Jésus Christ, juif fondateur au nom de son Père du christianisme, a été pendant son ministère de 29 à 32 sans domicile fixe, prêchant de Galilée en Judée. Il semblerait que la statuette le représentant bébé salué par les mages puisse elle-même se retrouver à son tour sans crèche fixe en France, au moins entre Nantes, Montpellier et Melun.
Saisis par une association de libre penseurs, appuyée par le Grand Orient de France (qui soutient par contre la crèche Baby-Loup mais c’est une autre affaire), les tribunaux administratifs de ces trois villes se sont en effet divisés sur la question de savoir si la crèche est un signe religieux dont il convient de bannir la présence dans les lieux publics.
Nantes a répondu par l’affirmative, Montpellier et Melun non. Crèche ou pas crèche, telle est donc la question.
Le sujet de la crèche en elle-même est à cet égard secondaire. Pour certains il s’agit d’un jouet folklorique avant tout destiné à enrichir les fabricants de santons, pour d’autres un symbole païen que le judaïsme et le christianisme primitif auraient abhorré comme tel, pour d’autres encore une tradition culturelle aussi digne d’intérêt que la dinde au marron, et pour les derniers enfin un emblème religieux qu’il convient de défendre ou bien d’interdire. Et on l’aura bien compris, c’est entre les tenants de ces trois dernières propositions que le débat se joue.
Négligeant l’argument selon lequel Jésus avait quand même recommandé à la samaritaine de faire fi des symboles et de se contenter d’adorer Dieu en esprit et en vérité, il s’agit avant tout de savoir si la loi française sur la laïcité et les récents textes sur l’interdiction des signes religieux dans les services et dans certains lieux publics peuvent s’accommoder de la petite grange au toit de chaume et de ses personnages plus ou moins bibliques.
J’avais émis il y a quelque temps l’opinion, quand le législateur s’en était pris au foulard d’employées musulmanes des services publics, parfois déguisé en simple bandana pour apaiser les esprits chagrins, qu’il allait se prendre les pieds dans le tapis. Car quand bien même César régit les affaires de César, arrive un moment où il doit réaliser que le religieux est installé en l’homme depuis la nuit des temps, et qu’il va être impossible de l’ignorer. Et le fait est là. Sorti par ce que le gouvernement croyait être la porte, le religieux revient par la fenêtre pour rappeler à tort ou à raison qu’une crèche vaut bien un foulard, et qu’on ne pourra pas le cacher sous son chapeau, quand bien même ceci semble être le projet du jour: « Cachez ce saint que je ne saurais voir ».
Bon, la suite de cette aventure passera par plusieurs épisodes : cours administratives d’appel, Conseil d’Etat et probablement Cour européenne des droits de l’homme dont on rappellera toutefois qu’elle a déjà dit (Lautsi- 18 mars 2011 n°30814/06) en Grande Chambre du crucifix dans les classes d’école italiennes qu’il s’agit d’un élément culturel plutôt passif qui n’empêche personne de croire, de ne pas croire, de croire en autre chose ou de faire ses devoirs, et dont l’interdiction ne se justifie pas.
Au-delà de tout ceci, force est de relever que le débat sur la laïcité en France ne change décidément pas de nature depuis plus d’un siècle. S’agit-il en toute neutralité de respecter toutes les religions, aussi absurdes seraient-elles, ou de les interdire de Cité ?
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu » dira le bébé de la crèche vagabonde. Méditons cette parole de vérité et cherchons peut-être à savoir ce que Dieu en pense.