Le pays des Lumières, celui de la tolérance, entendue au sens où l’écrivait Voltaire dans son magnifique Traité sur la tolérance, notre pays qui prétend être à l’avant-garde de la liberté de pensée, d’opinion, de conscience et d’expression est actuellement sous les feux de la critique internationale pour son comportement dans le domaine des libertés religieuses.Tout avait pourtant très bien commencé quand en 1905 le législateur avait institué un juste principe de laïcité selon lequel sans en reconnaître aucune et sans s’immiscer dans leur fond doctrinal, l’Etat s’engageait à protéger toutes les religions qui de leur côté s’obligeaient à la neutralité dans les affaires politiques. De ce point de vue, dans un pays aux racines largement chrétiennes, le principe biblique selon lequel les affaires de César et celles de Dieu doivent rester bien séparées se trouvait consacré, et il n’est pas étonnant que des personnages comme Jean Jaurès aient alors joué les médiateurs pour convaincre les parties prenantes de la pertinence et de la sagesse du dispositif ( L’arrière-pensée de Jaurès- Henri Guillemin- Gallimard 1966).
Reste qu’avec le temps la belle idée s’est dévoyée sous les coups conjugués de grands mouvements religieux prétendant peser sur la vie politique et d’une opinion publique cherchant à confondre laïcité et sécularisation, voire athéisme.
Les choses se sont finalement gâtées ces dernières années sous la pression de certaines associations, dont la neutralité religieuse est d’ailleurs plus que suspecte, qui ont estimé que l’Etat Français devait désormais créer une sorte de police de la pensée spirituelle en établissant auprès du Premier ministre la MIVILUDES, mission chargée de faire la chasse à ces nouvelles « sorcières » que seraient les mouvements religieux minoritaires en France, voire les mouvements philosophiques préconisant des comportements sociaux, économiques et thérapeutiques alternatifs. MIVILUDES dont l’action qui heurte les fondements de la laïcité reste paradoxalement encouragée par les travaux périodiques d’une commission parlementaire non permanente animée par une toute petite poignée de députés qui prétendent décréter quelles sont les bonnes et les mauvaises religions… voire interdire certaines d’entre elles.
Du coup la France se trouve depuis quelques années sous le feu de critiques :
- des commissions compétentes en la matière de l’ONU;
- du gouvernement américain, très susceptible sur ces sujets , qui s’est en outre interrogé sur la pertinence de la loi dite « antiburqa » ;
- de la jurisprudence nationale, administrative ou judiciaire, qui vient très souvent au secours de mouvements religieux minoritaires injustement discriminés ou dont les fidèles se voient individuellement discuter leurs droits au motif de leur appartenance ;
- et enfin de la Cour Européenne de justice qui par deux arrêts marquants de juin 2011 et de juillet 2012 a condamné la France pour ses campagnes et attaques plus ou moins détournées mais régulières contre le mouvement des Témoins de Jéhovah, auquel les juges européens ont à cette occasion reconnu ce statut de religion que les autorités nationales s’efforcent de lui dénier.
Pour la première fois de son histoire, la France s’est ainsi trouvée ravalée au médiocre rang des Etats qui malmènent cette liberté fondamentale qu’est celle de la liberté religieuse ou de conscience.
Triste régression qui mérite qu’on s’interroge et qu’on réagisse.
On signalera à ce sujet le travail utile que font certaines organisations comme le CAPLC (http://www.coordiap.com) ou le CICNS (http://www.sectes-infos.net/Index.htm) auquel l’ONU reconnaît un statut consultatif.
Ardent défenseur de la liberté de la presse et donc de celle de pensée, je ne peux que me féliciter de ces rappels à l’ordre.
« Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes… » Voltaire, Traité sur la Tolérance (1763)
Mise à jour du 15 janvier 2013: Source Mejindarpal Kaur United Sikhs
Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a établi le 1 novembre 2012 que l’interdiction française sur le port de signes religieux “ostentatoires” dans les établissements scolaires publics – présenté dans une loi, votée en Mars 2004 – viole le droit à un étudiant Sikh de manifester sa religion, comme prévu et protégé par le Pacte International relatif aux Droits Civils Et Politiques (PIDCP). Dans sa décision envoyée cette semaine à l’équipe juridique de l’association United SIKHS, concernant la plainte de Bikramjit Singh de 2008, Le Comité a admis que le port du turban est vu comme un devoir religieux pour un Sikh et est aussi lié à son identité personnelle ; et que le France n’a pas justifié son interdiction sur le port du turban. Le Comité a accepté que la France soit autorisée à maintenir son principe de laïcité, moyen par lequel un état peut garantir la protection de la liberté religieuse de toute sa population; et a également reconnu que l’adoption de cette loi en 2004 répondait à des incidents qui interféraient avec la liberté religieuse des élèves et parfois même avec leur sécurité au sein de l’école. Cependant, le Comité a poursuivit en exprimant l’opinion que cet argument n’était pas suffisant pour justifier l’interférence avec le droit religieux que la loi présente. Il y a moins d’un an, le PIDCP avait également conclut que la France avait violé la liberté religieuse de Ranjit Singh, âgé de 76 ans, lorsqu’il lui avait été demandé de retirer son turban pour la prise d’une photo d’identité. Une décision des Nations Unies est toujours attendue pour Shingara Singh, dont le passeport n’a pas été renouvelé par la France parce qu’il refusait d’enlever son turban pour la photo d’identité.
La France est signataire du pacte PIDCP qui prévaut en principe sur la loi interne.