Le journal Le Monde est une vénérable institution qui n’aime pas qu’on la critique.
Pour l’avoir fait, Monsieur Jean-Paul Gouteux et les Editions Sociales se sont retrouvés poursuivis pour diffamation devant le tribunal de grande instance de Paris par Messieurs Colombani et Isnard, grandes figures du célèbre quotidien.Monsieur Jean-Paul Gouteux, décédé le 11 juillet 2006, entomologiste médical de profession, avait écrit dans les semaines ayant suivi les dramatiques évènements de 1994 qui avaient mis à sang le Rwanda un livre intitulé « Un génocide secret d’Etat : La France et le Rwanda » qui reste une référence incontournable sur ce génocide. Ce livre est édité par les Éditions Sociales.
Cet ouvrage met en évidence les relations critiquables entretenues par l’Etat français avant, pendant et après ce génocide avec le pouvoir rwandais en place, pouvoir à l’origine de l’essentiel des exactions et des crimes commis, qui ont occasionné en 1994 la mort de près de 800.000 personnes en l’espace de quelques semaines dans des conditions indescriptibles.
Cet ouvrage analyse également le rôle particulièrement discutable tenu par le journal Le Monde pendant ces événements, alors que ses articles exprimaient une vision des évènements largement inspirée par celle dont l’Etat français souhaitait entretenir l’illusion. Elle consistait à considérablement minorer la gravité des événements en cours tout en en imputant l’essentiel au camp tutsi, à Paul Kagame et au FPR.
L’histoire a pourtant démontré le contraire, les tutsis ayant été les principales victimes des violences. Et cette vision proposée par Le Monde n’était pas celle dont d’autres médias, tel l’Humanité en France, rendaient compte.
Malgré tout, refusant cette mise en cause, Messieurs Colombani et Isnard, soutenus par le journal Le Monde, et représentés par Yves Baudelot, prirent la décision d’attaquer en diffamation Monsieur Gouteux et Editions Sociales en justice devant le tribunal de Paris.
L’éditeur me fit alors l’honneur de me confier sa défense.
Ceci m’a valu avec William Bourdon qui défendait quant à lui Monsieur Jean-Paul Gouteux un long combat devant la juridiction parisienne, la Cour d’appel de Paris, la Cour de Cassation, puis à nouveau la Cour d’appel de Paris après cassation.
L’arrêt rendu en audience solennelle par la cour de Paris le 29 mars 2006, accessible en ligne, a fait droit comme l’avait fait le tribunal dès 1999 à la position de Monsieur Gouteux et d’Editions Sociales en considérant que ceux-ci n’avaient pas dépassé les limites admissibles et légitimes de la polémique que justifiait la ligne rédactionnelle choisie par Le Monde au moment des évènements de 1994.
Décision notable à l’égard d’un journal encore considéré à cette époque en Afrique francophone comme la voix autorisée de la France.
Monsieur Plenel, alors responsable du journal, avait en son temps fait un timide mea culpa. Force est cependant de constater qu’au fil des années, la politique rédactionnelle du Monde est toujours restée sensible à tout ce qui pourrait permettre de jeter le discrédit sur le Président Kagame et l’action du FPR…
Ce fut en tous cas un beau combat judiciaire. Je suis heureux d’avoir pu contribuer à son succès, et d’avoir été invité à signer une préface à la réédition de l’ouvrage.
Reste que mon cœur restera pour toujours marqué par la rencontre, pour les besoins de ce dossier, avec la douleur et la barbarie que la tragédie rwandaise renfermera à jamais.